Le barrage Serre Ponçon, inauguré en 1960, domine la vallée de la Durance dans les Hautes-Alpes. Avec ses 123 mètres de hauteur et son lac artificiel de 28 km², il représente une infrastructure majeure impactant profondément l'environnement. Destiné à la production hydroélectrique (environ 200 GWh par an), à l'irrigation des terres agricoles et à la régulation des crues, il a radicalement transformé l'écosystème fluvial et terrestre de la région. Cette étude analyse les conséquences de sa construction sur la biodiversité, la qualité de l'eau et les risques naturels.

Impacts négatifs sur l'écosystème aquatique de la durance

La régulation du débit de la Durance, imposée par le barrage Serre Ponçon, a engendré des bouleversements importants pour l'écosystème aquatique. Des fluctuations importantes du débit, passant de 5 m³/s à 500 m³/s, perturbent l'équilibre naturel du cours d'eau.

Modification du régime hydrologique et sédimentaire

Avant la construction du barrage, le débit moyen annuel de la Durance était de 150 m³/s. La régulation artificielle induit des variations brutales affectant la faune et la flore ripariennes. Les périodes d'étiage prolongées (jusqu'à 5 mois par an) provoquent un assèchement des berges, impactant la végétation riveraine (saules, peupliers) et les habitats des espèces aquatiques. L'augmentation de la température de l'eau en été, passant d'une moyenne de 12°C à des valeurs supérieures à 20°C, compromet la survie de nombreuses espèces de poissons, notamment les espèces sensibles au réchauffement comme la truite fario.

Le régime sédimentaire a également été profondément modifié. Le barrage retient une grande partie des sédiments transportés par la Durance, entraînant une diminution significative (estimée à 70%) de la charge solide en aval. Cette modification du transport solide perturbe la morphologie du lit de la rivière, favorise l'érosion des berges et réduit la disponibilité des nutriments essentiels pour la vie aquatique.

Fragmentation des habitats et perte de biodiversité

  • Perte d'habitats : L'inondation a entraîné la disparition d'environ 300 hectares de zones humides, habitats essentiels pour de nombreuses espèces. Au moins 15 espèces de poissons et un nombre important d'invertébrés aquatiques sont impactés.
  • Fragmentation du cours d'eau : Le barrage représente une barrière infranchissable pour les espèces migratrices comme l'anguille européenne ( *Anguilla anguilla*) et le saumon atlantique (*Salmo salar*). Les échelles à poissons installées se révèlent peu efficaces, conduisant à un déclin significatif des populations. Le nombre de saumons est passé de 25 000 en 1960 à moins de 1 000 aujourd'hui.
  • Espèces invasives : Le milieu modifié favorise l'implantation d'espèces invasives, comme la moule zébrée (*Dreissena polymorpha*), compétitionnant avec les espèces indigènes et perturbant l'équilibre écologique.

Dégradation de la qualité de l'eau

La création du lac Serre Ponçon a généré une eutrophisation progressive. L'accumulation de nutriments provenant des eaux de ruissellement agricoles et des rejets urbains provoque une prolifération d'algues, diminuant la concentration d'oxygène dissous (baisse de 20% en moyenne). Cette baisse d'oxygénation affecte la vie aquatique et la qualité de l'eau. Des analyses ont détecté la présence de métaux lourds dans les sédiments, soulignant la nécessité d'une surveillance accrue de la pollution.

Impacts négatifs sur l'écosystème terrestre

La construction du barrage Serre Ponçon n'a pas seulement affecté le milieu aquatique. Les modifications terrestres sont considérables et impactent la biodiversité terrestre et les populations humaines.

Transformation du paysage et perte d'habitats

L'inondation a submergé environ 1000 hectares de forêts et 500 hectares de terres agricoles. Cette perte d'habitats a eu un impact direct sur la faune et la flore terrestre. Les espèces animales et végétales qui dépendaient de ces milieux ont vu leur habitat détruit ou fragmenté. L'artificialisation des berges du lac a également réduit les habitats naturels et modifié les paysages.

Les populations locales ont également été impactées. Le déplacement forcé de certaines familles, ainsi que la diminution significative de l'activité agricole dans la vallée, ont eu des conséquences socio-économiques importantes.

Augmentation des risques naturels

Le réservoir d'eau conséquent et les modifications géologiques ont accru les risques de glissements de terrain et d'érosion. Une étude a démontré une augmentation de 15% de la probabilité de glissements de terrain dans les zones montagneuses avoisinantes. La gestion du risque de rupture du barrage est cruciale, les conséquences d'une telle catastrophe étant considérables.

Impacts positifs et mesures de mitigation

Malgré les impacts négatifs prépondérants, le barrage Serre Ponçon a des retombées positives limitées, à analyser avec précaution.

Aspects positifs (à nuancer)

  • Production d'énergie renouvelable : Le barrage produit environ 200 GWh d'électricité par an, contribuant à la production d'énergie renouvelable. Cependant, l'analyse de son empreinte carbone doit intégrer les impacts environnementaux à long terme.
  • Régulation des crues (limitée): Le barrage contribue à réguler partiellement les crues de la Durance, protégeant les zones en aval. Son efficacité reste toutefois débattue et dépend des conditions hydrologiques.
  • Développement touristique : Le lac artificiel attire un tourisme important, générant des revenus pour les communes environnantes. Cependant, ce développement doit être géré durablement pour limiter son impact environnemental.

Mesures de mitigation et restauration écologique

Des mesures de mitigation et de restauration écologique sont nécessaires pour atténuer les impacts négatifs. L'amélioration des échelles à poissons pour faciliter la migration des espèces piscicoles est primordiale. Une gestion adaptative des lâchers d'eau est indispensable pour maintenir un débit minimal dans la Durance et préserver les écosystèmes riverains. La restauration de zones humides et la création de frayères artificielles sont des pistes envisageables pour compenser les pertes d'habitats.

Le contrôle des espèces invasives et la surveillance de la qualité de l'eau sont également essentiels. Des recherches scientifiques approfondies sont nécessaires pour mieux comprendre les interactions entre le barrage et l'environnement et pour mettre en œuvre des solutions de gestion durable à long terme.